2013-14

Le séminaire du groupe PraTO a orienté en 2013-2014 son exploration des pratiques de travail et d’organisation en mobilisant principalement les approches historienne, sociologique, anthropologique et de science politique.

La démarche ethnographique a permis une exploration approfondie de mondes du travail spécifiques. Ainsi le suivi de questions pratiques de maintenance dans une raffinerie par Fanny Girin permet de faire ressortir les rapports entre différents groupes de travailleurs (exploitation, maintenance, sous-traitance) en termes de répartition des savoirs, des pouvoirs d’agir et des territoires d’intervention. Dans une petite entreprise de bûcheronnage, Julien Gros déploie différents linéaments imbriqués : les fonctions exercées, les statuts d’emploi et les rapports d’argent, les liens familiaux, les registres de légitimité esquissent les ressorts essentiels d’un ensemble qui pourrait apparaître comme une société totale. L’appui sur une question précise, celle de l’identité masculine, permet de rendre compte des liens entre l’organisation du travail et de l’emploi et les identités professionnelles dans le monde des dockers qu’a analysé Michel Pigenet.

Plusieurs séances ont été reliées par la perspective des engagements contestataires, syndicaux ou politiques permettant de réinterroger le travail. Le récit par une ancienne syndicaliste ouvrière de Moulinex de sa carrière militante invite à reprendre les questions de genre, sous l’angle des rapports entre les contestations féminine et syndicale au fil de trois décennies (Fanny Gallot). Le déplacement par les États-Unis permet d’examiner un syndicalisme en pleine transformation à travers le suivi ethnographique par Emilien Julliard du travail d’un Organizer, chargé de reconstruire une implantation syndicale dans le secteur de la grande distribution alimentaire. Entre la relation de service et le développement d’un répertoire d’action, cette activité traduit une forme du renouvellement de la représentation des travailleurs américains. En France, Paula Cristofalo rend compte, à travers une recherche combinant ethnographie et consultation d’archives, du service d’expertise qui se développe dans le domaine de la santé au travail, à destination des organisations syndicales et des CHSCT. Une autre relation, qui n’est pas de service mais d’interférences, est celle qui a lié au Brésil des sociologues et le Parti des travailleurs au moment où celui-ci émergeait comme force politique et établissait avec le syndicalisme une relation inédite dans ce pays, de respect mutuel (Marco Santana).

L’autre domaine de réflexion du séminaire portait cette année sur la désindustrialisation, en coopération avec le séminaire Histoire du travail/histoire ouvrière. Ce phénomène fait l’objet de travaux récents combinant des approches sociologiques et historiennes. Le terme recouvre des réalités très différentes. Il peut désigner l’administration programmée par l’Etat de la cessation de l’activité minière, étalée sur trois décennies et facilitée par l’emploi temporaire de nouvelles cohortes de travailleurs immigrés (Anton Perdoncin). Il peut s’appliquer à la fermeture brutale et spéculative d’un établissement performant, comme celui de Molex dans le Sud-Ouest dont Anne Bory et Caroline Frau montrent les résistances ; ou à celle du site de PSA Aulnay, dont Vincent Gay expose une déclinaison différente du même schéma de résistance. En revisitant un site sidérurgique belge dont il a étudié le travail vingt ans plus tôt, Cédric Lomba arrive en plein cœur du drame que constitue sa fermeture pour les ouvriers qu’il retrouve. L’accompagnement de la lutte de ces ouvriers permet de mettre en perspective les significations que prennent pour eux cette fermeture et, plus largement, la destruction du monde industriel auquel ils appartiennent.