2011-12 : Les références ouvrières dans le monde du travail

Le thème central du séminaire a porté sur les références ouvrières dans le monde du travail, en France, en Italie et en Argentine. La présence ouvrière a été abordée dans la relation entre des collectifs ouvriers et leur territoire. Le cas de Metaleurop, usine fermée il y a quelques années, permettait d’effectuer une sociologie des traces mémorielles, dans un territoire ouvrier, de l’usine disparue. L’histoire de l’usine sidérurgique de Lombardie au cours des années 1980 permet de s’interroger sur les troubles qui affectent une communauté au travail lorsque l’activité est menacée. Les liens entre le personnel de l’usine et la région restent étroitement tissés pour la défense du site, mais les valeurs de classe y sont concurrencées par un régionalisme que traduit la Ligue du nord. Au présent et sur l’échelle micro d’un quartier urbain de Buenos Aires, l’étude ethnographique met en lumière la complexité des liens interpersonnels entre les actifs employés dans un atelier et son voisinage.

Un deuxième axe portait sur des transformations en cours dans l’organisation du travail. L’étude des rapports entre la formation et les trajectoires d’ouvriers montre qu’au-delà de l’apprentissage proprement dit, le lien avec les perspectives de carrière constitue un trait essentiel du rôle que joue la formation. La diversité des situations ou des sous-groupes que comporte la catégorie des ouvriers professionnels, considérée comme le cœur de l’activité industrielle, fait ressortir la volonté des entreprises de déconstruire les carrières pour répondre aux rigidités des organisations. Un cas extrême de cette gestion est donné par l’organisation de la construction navale. L’organisation systématique d’une sous-traitance en cascade y fait éclater les structures du travail. C’est par la rumeur que se fait le tissage de relations de confiance permettant, in fine, au travail de se faire. D’autres organisations prescriptives connaissent des transformations spectaculaires, comme le secteur de la logistique. Les progrès fulgurants d’un guidage informatisé des préparations de colis tend à les enserrer les opérateurs dans une activité étroitement tenue. Mais en ce cas le marché de l’emploi, difficile à saturer en raison des exigences de tels postes, permet aux salariés de desserrer l’emprise.

Une partie des réflexions a interrogé de manière spécifique la relation entre certaines situations de travail avec des formes de mobilisation ne prenant pas, ou pas uniquement, une forme syndicale classique. L’étude d’organisations syndicales ou parasyndicales d’ouvriers en Argentine renouvelle l’étude des liens ambivalents entre mobilisations et syndicalisme. Dans une usine de lingerie française, l’étude des processus d’engagement syndical et d’apprentissage du militantisme met en lumière le pan ancien et rarement considéré de l’action ouvrière au féminin.

Programme du séminaire, échanges

28 octobre, (journée), Pia Rius, EHESS, sur les organisations et les carrières militantes des travailleurs desucopados en Argentine. Puis Juan Montes Cato et Paula Lenguita, Buenos Aires, sur les organisations collectives des ouvriers et des travailleurs pauvres en Argentine

25 novembre, Ariel Sevilla, Reims, sur la formation professionnelle des ouvriers dans l’industrie automobile

20 janvier, David Gaborieau, Paris I, sur les travailleurs des entrepôts de la grande distribution.

Bibliographie sur le management

David MONTGOMERY, Workers’ control in America : Studies in the History of Work, Technology, and Labor Struggles, Cambridge, Cambridge University Press, 1979, 190 pp.

David MONTGOMERY, « Quels standards ? Les ouvriers et la réorganisation du travail aux États-Unis (1900-1920) », Le Mouvement social, n° 102, janv.-mars 1978, p. 101-127 (accessible sur JStor et sur Gallica: http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5731712f/f110.image.langFR)

David MONTGOMERY, The Fall of the House of Labor. The Workplace, the State, and American Labor Activism, 1865-1925, Cambridge, Cambridge University Press et Paris, Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 1987, 494 pp.

17 février, Josué Gimel, OSC, sur la sociologie de la mémoire ouvrière à partir d’une enquête ethnographique sur une fermeture d’usine

23 mars, Ferruccio Ricciardi, CMH (Cnrs-Ehess-Ens), Crise du monde ouvrier et question septentrionale : L’usine de Dalmine (Lombardie) dans les années quatre-vingt

13 avril, Fanny Girin, LAMES Aix, La réputation, un outil pour mesurer le travail externalisé

25 mai, Eve Meuret Campfort, Nantes, sur l’émergence de syndicalistes dans des secteurs peu qualifiés et très féminisés

22 juin, Séverine Misset, Nantes, sur les recompositions du groupe des ouvriers professionnels