2010-11

Le thème de cette année prolongeait un axe déjà suivi les années précédentes. Il consistait à interroger la relation qu’entretiennent certains types de pratiques de travail décalé ou non reconnu comme tel avec des formes de mobilisation ne prenant pas, ou pas uniquement, une forme syndicale classique. À travers ce double décalage, et surtout l’observation des relations auxquelles il donne lieu, il s’agit de prendre en considération, à travers la conflictualité, la variété des types d’activité et de leurs mises en cause. Des situations prise en Amérique du nord et du sud incitent à la prudence dans la généralisation des acquis.

Parmi les sept séances, cinq ont permis d’enrichir directement le corpus des situations correspondant à ce thème. Maud Simonet et John Krinsky analysent les différents statuts affectés aux personnes s’activant à l’entretien des jardins municipaux à New York ». Ils voient coexister des employés du parc, salariés et syndiqués, des bénéficiaires d’une aide publique et des bénévoles. L’entretien des parcs est la résultante complexe de ces activités combinées. Baptiste Giraud étudie des conflits survenus dans des secteurs d’emploi fragile, la restauration rapide ainsi que le nettoyage et la cuisine dans des grands hôtels. Les salariés précaires engagés dans ces conflits développent des pratiques qui rompent moins qu’on le suppose généralement avec le syndicalisme classique, tandis que les ressorts de la mobilisation se rapprochent eux aussi du répertoire de l’action syndicale. En miroir, Patricia Ventrici présente une recherche sur les pratiques grévistes et les modes d’action des travailleurs employés par des entreprises de sous-traitance du métro de Buenos Aires. Contre les effets de la privatisation de services du métro de la capitale argentine, des syndicalistes développent des formes de mobilisation à la base et d’action non institutionnelle. Ils se démarquent des pratiques des structures syndicales et des relations professionnelles en vigueur. Sophie Béroud rend compte d’efforts de syndicalistes pour développer des modes d’organisation parmi les aides à domicile. Quelques militantes cherchent à susciter des réseaux de solidarité, en recourant à des formes atypiques de sensibilisation, de construction de confiance. L’affichage syndical de ces pratiques n’est pas premier, d’autant moins que les femmes employées ne considèrent souvent pas ces activités comme du simple travail et que leurs employeurs sont des associations. La structure syndicale, en retour, rechigne à considérer positivement cet effort de construction de solidarité parmi ces travailleuses. Étudiant la reconversion des athlètes olympiques, Sébastien Fleuriel et Manuel Schotté retracent l’élaboration par le ministère des Sports du statut de sportif de haut niveau destiné à protéger des sportifs dits non professionnels, ainsi que les modalités de sa mise en place. L’étude des conditions concrètes d’emploi de ces sportifs éclairent en partie les ambivalences voire les réticences de ces sportifs par rapport à la qualité de travailleurs.

Deux autres séances élargissaient le champ de l’analyse. Julian Mischi étudie le syndicalisme de terrain dans un milieu de travail classique d’un atelier SNCF de province. Il y suit de près les décalages que la pratique militante suscite entre responsables et représentés, au fil des progressions dans la structure syndicale. Laure Pitti et Pascal Marichalar effectuent une enquête historienne sur deux types de relations tissées au cours des années 1970 entre des médecins du travail engagés et des ouvriers de l’entreprise Pennaroya lors de mobilisations contre les méfaits du plomb. Les trajectoires professionnelles et d’engagement des médecins, distinctes dans les deux cas étudiés, ainsi que la différence des relations qu’ils établissent avec les ouvriers, contribuent à configurer des modes de mobilisation différents.