2008-09

Le séminaire (animé cette année encore par Yves Cohen, Séverin Muller et Dilip Subramanian) a été marqué par la mobilisation qui a touché les milieux universitaires et de la recherche. Elle nous a conduits à ne pas faire de séance les jours de grèves et de manifestations. Nous considérons que dans le contexte actuel la réflexion académique n’est pas si éloignée de l’engagement. Il nous a semblé essentiel de défendre notre indépendance intellectuelle au même titre que nous nous engageons pour d’autres mondes du travail que le nôtre (deux séances annulées, deux déplacées). Tout d’abord, une série de séminaires sur les transformations des cadres du travail et des groupes professionnels a donné lieu à trois présentations. Pascal Raggi, maître de conférences à l’université de Nancy 2, a parlé de la mécanisation des métiers de la mine de fer entre 1950 et 1975. Nadège Vezinat, doctorante en sociologie à l’EHESS (Centre Maurice Halbwachs), a évoqué l’expérience vécue des conseillers financiers au prisme des évolutions statutaires de la Poste, faisant apparaître les compromis et les conflits entre cultures de travail différentes. Alessandro Stanziani, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS, a traité plus en général de la construction du cadre juridique du travail du XVIIe au XIXe siècle, dans une perspective comparative européenne à partir d’une réflexion sur la mise en pratique du droit du travail en Russie.

La seconde partie a porté sur la présentation de travaux ethnographiques sur les pratiques syndicales et les formes de mobilisation des travailleurs à bas statuts dans plusieurs pays. Sophie Pochic, chargée de recherche au CNRS (Centre Maurice Halwachs), et Cécile Guillaume, maître de conférences à l’université Lille 1, ont présenté une recherche sur les carrières différenciées selon les genres de cadres militants de centrales syndicales en France, en Hongrie et au Royaume-Uni : la sous-représentation des femmes dans les postes à responsabilité au sein des syndicats n’empêche pas une différenciation où l’ouverture est plutôt représentée par la Hongrie que par les pays d’Europe occidentale. Isabel Georges, sociologue à l’IRD et professeure invitée à l’université de Campinas au Brésil, et Robert Cabanes, directeur de recherches à l’IRD, ont présenté une étude sur les formes syndicales attachées à la reconnaissance des collectifs de travailleurs dans les emplois informels dans la région de Sao Paulo au Brésil, pays où le droit du travail est en constitution et la régulation étatique faible. Cette présentation a fait écho à celle du collectif de chercheurs « Asplan » (Pierre Barron, doctorant à l’université de Nantes, Anne Bory, post-doctorante à l’université de Paris 1, Sébastien Chauvin enseignant-chercheur à l’université d’Amsterdam, Ndèye Amy Fall, étudiante à l’université Paris 8, Nicolas Jounin, maître de conférences à l’université Paris 8, et Lucie Tourette, journaliste) à propos de son enquête sur les travailleurs sans papiers et le mouvement récent en faveur de leur régulation. La mobilisation est configurée à la fois par le statut précaire de ces travailleurs et la nouveauté de ces questions pour les syndicats traditionnels. Cette série de séminaires ouvre la voie aux axes de réflexion que nous souhaitons explorer à partir de la saison prochaine, autour des formes de militantisme au travail, des mobilisations syndicales et des travailleurs de « seconde zone », toujours en situant nos discussions dans des perspectives de comparaisons et de circulations internationales et historiques.

Enfin une dernière série a consisté à poursuivre nos réflexions sur les manières de produire des connaissances à la fois historiques et ethnographiques, sur les méthodes en sciences sociales mobilisables pour mieux appréhender les mondes du travail et sur la signification des formes d’engagement des chercheurs dans leur activité. Dans ce cadre, Yves Clot, professeur au CNAM, a évoqué le statut de la critique en psychologie du travail, à partir d’une étude dans un bureau de Poste, de sa propre trajectoire de recherches et de ses interventions dans le monde professionnel. Les frontières entre la sociologie, l’histoire et la psychologie du travail autour des notions de « subjectivité » ou de « souffrance » au travail s’estompent. Une journée de travail organisée avec le CSU-CNRS à l’EHESS autour de la parution d’Observer le travail. Histoire et ethnographie, approches combinées a été l’occasion d’interventions nombreuses (Anne-Marie Arborio, Danièle Linhart, Alessandro Stanziani, Cédric Lomba, Nicolas Hatzfeld, Catherine Omnès, Jean-Paul Gaudillière, Pierre Fournier, Olivier Schwartz, Séverin Muller, Alexis Spire, Christian Topalov, Yves Cohen). Il ressort des discussions une grande fertilité, actuelle et potentielle, des résultats de recherches combinant histoire et ethnographie et une grande curiosité pour cette combinaison méthodologique.

Prato transnational : Isabel Georges a participé activement à l’organisation d’un colloque franco-brésilien à l’université de Campinas (Brésil) sur « L’économie solidaire et les nouvelles configurations du travail » (26-27 août 2009, http://www.fcc.org.br/seminario/ecosol/seminarios.html, cliquer sur Programme et Artigos).