2007-08

Le séminaire de Prato a tenu sept séances cette année, dont une double. L’activité du groupe a porté d’une part sur l’approfondissement de la « série accentuée » initiée l’an passé et pratiquant le décentrement par rapport aux études sur des cas uniquement français et d’autre part sur une réflexion autour de l’émergence de travaux, de démarches et d’objets novateurs. La série sur les études internationales et transnationales a consisté en trois présentations liées à l’Inde. Une première était de caractère anthropologique. Nicolas Flamant, chercheur associé au Laios et membre de Prato, a exposé sa réflexion sur la présence dans et hors de l’usine, dans une région du centre de l’Inde, d’une organisation fondamentaliste islamique nommée le Tablighi Jamaat. Conséquence de la mondialisation autant que moyen de ne pas céder à elle, le Tabligh parvient à s’insérer dans la gestion des règles économiques en se rendant indispensable tout à la fois au management et aux organismes de représentation du personnel. La deuxième présentation, faite par Dilip Subramanian, post-doctorant au CSU et co-coordinateur de Prato, portait sur les pratiques de travail dans une usine publique à travers une ethnographie d’un atelier de production de circuits imprimés. Cet exposé a montré la grande marge de manœuvre dont disposaient les ouvriers d’assemblage malgré la très grande standardisation du produit. Monique Sélim, directrice de recherche à l’IRG, a traité plus en général de l’approche ethnologique des entreprises sur la base de son expérience de terrain en Asie du sud-est (Bangladesh, Inde, Laos et Vietnam) en proposant des modes d’approche de la parenté, du religieux et de la politique. L’intérêt de la série « transnationale » n’est pas seulement de présenter des « cas » éloignés de la France. Nous aimerions montrer également la fécondité de recherches qui pratiquent le transnational et le pluri-localisé (en suivant, au passé et/ou au présent, des circulations, des implantations, des « transferts » de technologie, par exemple, non sans s’interroger sur ces notions, leur genèse et leurs usages).

La seconde partie du séminaire a porté sur la présentation de travaux ethnographiques et/ou historiques de jeunes chercheurs et de doctorants membres du Prato, qui proposent de réexaminer des thèmes classiques de la sociologie et de l’histoire tels que l’apprentissage, la résistance au travail, la notion de conscience collective, le conflit politique entre le corps et la mécanique dans les savoir-faire techniques, etc., à partir d’objets ou de milieux décalés. Pierre Barron, doctorant à l’université de Nantes, a présenté le travail des agents de sécurité privée, leurs carrières et les formes de recrutements et d’emplois racialisées. Prisca Kergoat, maîtresse de conférences au centre de formation J.-F. Champolion d’Albi, chercheuse au CERTOP – Centre d’Étude et de Recherche Travail, Organisation, Pouvoir, a développé son propos sur l’indocilité au travail des jeunes apprentis des milieux populaires dans le cadre de leurs formations à EDF ou à la Poste. Cette présentation a fait écho à celle de Nicolas Jounin, maître de conférences à l’université Paris 8-Saint-Denis, chercheur à l’URMIS – Unité de recherches « Migrations et société », qui a réalisé une enquête par observation participante sur des chantiers de BTP pour mieux montrer les formes de racisme ordinaire au travail et la contestation silencieuse des travailleurs précaires et des apprentis. François Jarrige, ATER à l’université d’Angers, a présenté sa recherche en cours sur la boulangerie, ou comment le pétrin mécanique, dans la seconde moitié du XIXe siècle, a vaincu le corps du « geindre », l’employé de boulangerie chargé de pétrir la pâte à la main, par les appels à l’hygiène et à la rationalité moderne. Jean-Baptiste Suquet, alors doctorant au Centre de recherche en gestion de l’École polytechnique, a livré sa réflexion sur son enquête historico-ethnographique à propos de la fraude dans le métro parisien et de la constitution de celle-ci comme objet pour des pratiques professionnelles et de « service ». Davantage que les années précédentes, la pluridisciplinarité des contributions tant d’historiens que de sociologues et particulièrement d’ethnologues a été féconde pour réfléchir aux acceptions non partagées (ethnographie par exemple) et aux manières diversifiées de pratiquer les terrains (au sens large, actuels et historiques). Le renouvellement des recherches centrées sur les pratiques s’effectue manifestement par l’analyse d’objets décalés par rapport aux problématiques classiques.