2006-07

Le séminaire a été gouverné cette année par plusieurs modalités. Le premier groupe de séminaires sur les dix s’est rapporté à l’approfondissement, en vue de leur publication, de certains textes présentés au colloque de mai 2006 consacré aux recherches sur le travail pratiquant à la fois l’enquête historique et l’enquête ethnographique. S’appuyant sur une enquête menée dans les abattoirs à propos des contextes juridiques de la normalisation des pratiques, Séverin Muller (Lille 1) a ainsi développé son propos sur les méthodes comme révélatrices du rapport idéologique qu’entretiennent les chercheurs avec leurs terrains. Cédric Lomba (CSU) s’est concentré sur les documents écrits d’entreprise et sur les manières de les comprendre et de les utiliser dans les sciences sociales. Nicolas Hatzfeld (Evry) a mis sur le tapis sa trajectoire de recherche et l’usage de soi en ethnographie et dans l’enquête d’histoire. De son côté, Pierre Fournier (Aix-en-Provence) est revenu sur la définition de générations ouvrières pour construire une notion de génération liée aux trajectoires résidentielles et professionnelles à partir d’une enquête ethnographique autour d’une centrale nucléaire et des quartiers d’habitation de ses salariés. Enfin Jean-Noël Retière (Nantes) a évoqué l’historio-ethnographie des pratiques sexuelles qu’il mène avec Marie Cartier dans les tabacs en comparant les traces écrites du passé avec les discours d’aujourd’hui sur une activité peu visible et peu dicible. Ces débats très riches nous ont conduits à plusieurs interrogations qui pourront être le prétexte à de nouvelles séries de rencontres. C’est le cas en particulier à propos de la diversité des échelles temporelles dans lesquelles nos acteurs sont pris et dans lesquelles nous les prenons. Il s’agit encore de l’histoire même de la combinaison de méthodes de recherche comme l’archive et l’ethnographie. Ceci nous mène encore à réfléchir à l’histoire de cette dernière, à propos de laquelle nous avons invité Stéphane Baciocchi et Alain Cottereau (EHESS) à évoquer le parcours ethnographique de Frédéric Le Play, en particulier en faisant revivre sa première époque si fondatrice à de nombreux égards et pourtant si occultée (à partir du numéro spécial de la revue Études sociales « Frédéric Le Play. Anthologie et correspondance », n° 142-144, 2006).

D’autre part, le groupe a lancé des « séries accentuées » de séminaires qui, dès cette année et pour les années à venir, doivent permettre d’inviter des intervenants sur des sujets, des domaines et des problèmes qui ont suscité notre intérêt au fil des années sans avoir été systématisés. Dans la série se rapportant aux approches pragmatistes et à l’action située, nous avons invité Anni Borzeix (Centre de recherche en gestion de l’École polytechnique). Nous avons confronté des textes portant sur les rapports entre sociologie du travail et ergonomie, relation qui a historiquement transformé tout un pan de la première. Nous tenons à l’avenir à approfondir cette confrontation entre différentes traditions sociologiques et l’évaluation de leurs héritages contemporains. La série sur les études internationales et transnationales a été engagée par trois présentations. La première a été celle du sociologue Bernard Ganne (GLYSI-SAFA) utilisant la caméra comme outil de l’enquête, suivant des entreprises dans leurs négociations avec leurs filiales au Japon et en Chine (projection du film Clics et déclics). Ensuite deux doctorants membres de Prato sont intervenus, l’une, Anne Bory (Paris 1 avec F. Piotet), sur les pratiques comparées de mécénat social dans les grandes entreprises en France et aux États-Unis, et le second, José Caldèron (Paris 10 avec D. Linhart), sur les formes de mobilisation au travail d’ouvriers de l’industrie automobile en Espagne et d’opérateurs de téléphonie en France. Ces interventions nous ont permis de commencer à penser la portée de la comparaison mais aussi celle, différente, de la circulation par laquelle on suit nos objets dans leurs propres déplacements. Ces engagements prometteurs seront poursuivis et systématisés toujours selon la méthode propre à Prato qui consiste non pas à fuir mais à ouvrir les problèmes les plus délicats du frottement interdisciplinaire et de l’évolution des disciplines elles-mêmes pour mieux en saisir les dimensions.